(Québec) Le conteur Fred Pellerin, que le premier ministre Jean Charest devait faire chevalier de l'Ordre national du Québec, jeudi, a décliné l'invitation. L'ambassadeur de Saint-Élie-de-Caxton, dans une lettre qui reflète toute la candeur et la poésie qu'on lui connaît, explique sa grande fierté d'avoir été choisi, mais aussi le profond malaise qui l'a empêché d'assister à la cérémonie.
«J'ai été touché. Et on est dans le peu-dire. J'ai été viré à l'envers de fierté. [...] J'en suis flatté, dans le sens du poil debout sur les bras. [...] On allait me piquer à la veste un bout de brillance au nom du peuple québécois. Mon peuple», écrit M. Pellerin dans sa lettre.
«Mais il se trouve que ce peuple, poursuit-il, à qui on me demande de faire honneur en tant que membre de l'Ordre, se trouve présentement plongé dans une crise sociale d'ampleur. Je m'en voudrais de célébrer et de trinquer à l'honneur de ce peuple dans le contexte actuel, où même notre démocratie se fait secouer par la base.»
Fred Pellerin a appris, sur le site Web de l'Ordre, qu'il avait été admis comme chevalier pour son «humanisme» et son «authenticité». Ainsi, écrit-il, «manquer à ces convictions, pour l'urgence de la médaille, serait pour moi déjà un faux-pas dans ma neuve chevalerie. Mon coeur suit mon peuple, et ce peuple n'a pas le coeur à la fête.» Il conclut sa lettre en remerciant l'Ordre pour sa «comprenure».
Selon son agente, Micheline Sarrazin, Fred Pellerin ne veut surtout pas «faire de vagues» avec cette histoire. «C'est un geste très personnel, ce n'est pas une protestation, pas une revendication», pas un geste partisan ni politique, juste un «inconfort». L'Ordre national a répondu à l'artiste qu'il pourra être décoré l'an prochain.
Le chef d'orchestre Jacques Lacombe et la chanteuse Isabelle Boulay ont aussi laissé leur chaise vide, jeudi. Le premier a annoncé la nouvelle de sa nomination sur son site Web, mais n'était pas joignable, jeudi en fin d'après-midi. La seconde n'a simplement pas pu se rendre à Québec en raison d'un spectacle à Brossard, a expliqué son agente au Soleil
Article de Pierre-Olivier Fortin, LE SOLEIL 8 juin 2012