En cette belle journée du 10 mars dernier, Fafouin sortait de détention. Je me dirigeais, fébrile, vers la salle d'attente, il m'y attendait. Vingt mois sans pouvoir serrer, embrasser mon fils.. Il prit ma main, la serra fort, sans la quitter, jusqu'à ce que nous arrivions à la voiture...
- Mais qu'est-ce qui se passe Fafouin?
-Je suis si heureux maman!!!
Marlena, la petite amie de mon fils lui fut fidèle pendant tout ce temps, allant chaque semaine le visiter. Elle travaillait ce jour-là mais avait pris soin de préparer avec amour un bon souper dans la mijoteuse. Lorsque nous sommes entrés dans l'appartement, une odeur sécurisante embaumait divinement les lieux. Tout était si proprette, si accueillant. Fafouin fit le tour de la maisonnée, lentement et en silence, à la fois ébahi et admiratif puis, vint s'asseoir à la table de cuisine. Il observait chaque recoin de l'appartement, du plafond au plancher, et répétait sans cesse:
- Je suis content, je suis tellement content...
Depuis ce temps, il a trouvé un bon travail qu'il aime, un patron qui semble vraiment l'apprécier et la mère que je suis se fait un devoir de continuer sa belle vie, avec sa musique, ses animaux, ses marches, sans toujours appréhender une catastrophe nucléaire lorsqu'il l'appelle ou s'imaginer les pires situations qui n'existent que dans son esprit. Fini, terminé. Et ça fonctionne!
Ce qui empêche d'avancer
C'est la peur de l'inconnu
Mais l'inconnu
Peut nous dévoiler
De bien belles surprises...
Ce qui empêche d'avancer
C'est la peur de l'inconnu
Mais l'inconnu
Peut nous dévoiler
De bien belles surprises...
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Fafouin vit un grand deuil depuis le 17 juin dernier. Les restes de son meilleur ami, Pat, ont été retrouvés dans la Rivière du Nord, à St-Jérôme. Une mauvaise décision de sa part, un accident qui aurait pu facilement être évité mais qui lui a malheureusement coûté la vie. Le soir du 20 octobre 2014, Pat et 3 compagnons ont été surpris à tenter de voler de l'argent dans une machine à liqueur. Ils se sont alors éclypsés en voiture. Les policiers les ont interceptés. Les 3 compagnons n'ont pas opposé de résistance mais Pat s'est enfui à vive allure. Il avait bu, il faisait noir, il est entré dans la forêt, un endroit qu'il ne connaissait pas. Certaines falaises sont très abruptes et mènent directement à la rivière. On croit qu'il a chuté, s'est assommé et inconscient, serait tombé dans la rivière. Cela se serait fait très rapidement ce soir du 20 octobre dernier.
Il y a deux mois, avant la découverte du corps, je reçois un coup de téléphone de Fafouin.
-Maman, je ne vais pas bien. J'ai pas dormi de la nuit. Ça fait 2 fois que je fais le même cauchemar. Je suis dans un genre de party à l'extérieur. Je me retourne et, de l'autre côté de la rue, il y a Pat, accoté contre un gros arbre et qui me fixe les yeux exorbités et effrayé!
Et vous savez où ils ont retrouvé Pat? Accroché aux racines d'un gros arbre qui poussait dans l'eau...
Donc, le soir du 17 juin, je reçois un appel de Fafouin:
-Bonjour Fafouin, comment vas-tu?
-Ça ne va pas bien du tout maman, ils ont retrouvé Pat...
...
-Et tu es où là?
-Je suis chez moi. Ça ne fait pas longtemps que je le sais. Je viens de tout renvoyer mon souper. Puis là, je ne sais pas quoi faire. Je suis complètement perdu là...
- Dis-moi, est-ce que tu veux que j'aille te chercher?
-Je ne sais pas... Je... Oui maman, viens me chercher.
Je l'ai déposé chez son autre grand ami Yannick. Il avait besoin d'être avec lui. Lui, Pat et Yannick formait un trio tissé serré...
Je l'ai déposé chez son autre grand ami Yannick. Il avait besoin d'être avec lui. Lui, Pat et Yannick formait un trio tissé serré...
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J'ai passé la journée du 18 juin chez Caroline, la maman de Patrick. Elle et moi, on en a vu des vertes et des pas mûres avec nos fils respectifs. On s'est entraidées, inquiétées souvent à leurs propos. Ce que j'appréhendais le plus pour mon fils, bien c'est elle qui le vit. Et la mort, bien c'est irréversible... Ce que nous avons vécu toutes les deux ce jour-là ne s'explique pas, ne se décrit pas.
Elles restaient là
À se serrer les mains
Si fort, mais si fort
L'une se sentant si petite et impuissante
L'autre venant de perdre l'amour de sa vie
Son enfant...
Il y avait dans ses yeux une si grande douleur
La dévastation la plus totale
Son monde venait de s'écrouler
L'autre le voyait dans son regard
Et dans le plus pur des silences
S'engagea entre elles un discours des yeux
Celui qui vient de l'âme
Pendant qu'une s'accrochait si désespérément
Pendant qu'une s'accrochait si désespérément
L'autre s'appliquait
À ramasser délicatement
Les briques qui tombaient
Une à une
Ton enfant, ton bébé...
Ton enfant, ton bébé...
Mon fils vint nous rejoindre dans l'après-midi en compagnie de Yannick. mais il manquait le 3e mousquetaire... Ils vinrent s'asseoir dans le salon, les yeux bouffis par trop de pleurs et demeurèrent assis, le regard inanimé, aguard.
-Ça se peut pas, c'est pas vrai...
disait Fafouin, la tête entre les mains. Yannick demeurait immobile et en souffrance. Je regardais tristement ses deux jeunes âmes qui vivaient pour la première fois de leur vie, leur premier grand coup dur, perdre leur meilleur ami.
C'est donc ça la souffrance
Mais ça fait donc bien mal
On était donc pas préparé
On se croyait invincible
Et puis...
Qu'est-ce qu'on va faire
Comment on va faire
De quelle façon
On va passer au travers
C'est trop souffrant, trop...
Je comprends tellement sa souffrance à Fafouin... J'ai perdu aussi mon grand ami Luc, ma moitié, à 21 ans, par suicide. Je voulais mourir. Ça m'a pris 2 ans avant de pouvoir en parler sans m'effondrer. Mais du calme la mère, il va le vivre d'une façon différente de la tienne, il va souffrir, affreusement, mais, il va s'en sortir, plus grandi que jamais, avec un coeur et une force de plus. C'est ça qui est bien dans la vie, acquérir l'expérience, des tonnes d'expériences, celles qui nous rend plus solide, plus aimant envers les autres et nous fait déplacer des montagnes.
Pour Pat, c'est demain que ça se passe au salon. Ce sera douloureux, très, mais, à la fois une journée remplie de tendresse et d'amour. Parce qu'il n'y a que ça qui compte vraiment dans la vie... l'amour.
En attendant, je jongle un peu dans ma tête. Je n'ai pas le manuel d'instruction qui dit comment on fait pour soutenir son fils qui vit assurément l'une des plus grandes peines de sa vie.
Bien là, je prendrais bien une bonne bouffée d'amour tendre, enveloppée simplement dans des bras d'homme aimant.
Pour Pat, c'est demain que ça se passe au salon. Ce sera douloureux, très, mais, à la fois une journée remplie de tendresse et d'amour. Parce qu'il n'y a que ça qui compte vraiment dans la vie... l'amour.
En attendant, je jongle un peu dans ma tête. Je n'ai pas le manuel d'instruction qui dit comment on fait pour soutenir son fils qui vit assurément l'une des plus grandes peines de sa vie.
Bien là, je prendrais bien une bonne bouffée d'amour tendre, enveloppée simplement dans des bras d'homme aimant.
11 commentaires:
Chère Nanou la Terre, ton billet si touchant, si bouleversant, m'a remuée. D'abord, la joie de retrouvé ton fils libéré. Puis la peine face à une mort si abrupte d'un homme si jeune... Je t'offre toutes mes sympathies, à toi ainsi qu'à ton fils. xxx
De tout coeur avec vous tous.
Cependant cela me rappelle les moments très douloureux passés lors du départ de ma belle Roxanne.
Si jeune ...
C'est très touchant, Nanou.
Ah, la vie... ! Elle est souvent pleine de rebondissements et de mystères. On dirait que c'est encore plus vrai pour certaines personnes.
Un récit très touchant, je suis de tout coeur avec vous dans cette épreuve.
La perte d'un ami si cher le fait souffrir mais aussi réfléchir. Et sa peine démontre qu'il est demeuré intact émotivement, que la prison ne l'a pas durci à outrance. C'est un événement très triste, on s'entend, mais il y a du bon à en tirer quand même. Je suis contente que ça aille mieux pour ton enfant et aussi que tu sois là pour la mère du garçon disparu tragiquement. Ta présence doit lui apporter un baume réel.
Je suis très touchée de te lire.... encore une fois. Quelle douleur en effet. Tu as su trouver en toi la force et l'humanité pour accompagner la mère éplorée par le deuil de son grand amour, son fils. Tu sauras bien trouver, à force d'amour, comment être là pour Fafouin, également.
Je te souhaite des bras d'homme aimant pour t'entourer, je ne suis pas inquiète pour ceux que tu aimes.
Que de belles preuves d'amour malgré toutes ses souffrances. Et une maman qui aime son fils plus que tout au monde!.,
Julie,
merci beaucoup! C'est mon fils qui doit rester fort dans l'Épreuve. Mais il a plein de gens autour de lui xxx
Le factotum,
merci beaucoup... Oui, je me rappelle aussi pour Roxanne xxx
Jackss,
une vie sans rebondissements et sans épreuves est une vie vide. Et cette épreuve n'arrive pas pour rien dans la vie de mon fils. Il faut en comprendre tout le sens xxx
Solange,
merci beaucoup! Je le prends pour le donner à mon fils et à la maman de Patrick xxx
Femme Libre,
effectivement et, crois-moi il n'a rien perdu de sa sensibilité et s'exprime tant. Je suis contente. Pour le reste, bien, j'ai fini aussi d'anticiper des choses qui n'existent pas. Ça fonctionne. Mon fils n'est plus pareil, ma vie n'est plus pareil. Rien n'est plus pareil! La maman de Patrick et moi avons un lien spécial, tissé par ce que nous avons vécu ensembles en même temps pour nos fils et ce, depuis qu'ils sont tout jeunes. Je serai là pour elle, toujours...
Zoreille,
merci, merci beaucoup...Effectivement, j'ai su trouver pour Fafouin. Discrétion, mais présence assurée. Oui, de bons bras qui me serrent, simplement xxx
Georges,
alors tu as réussi à écrire quelque chose ici finalement! Oui... Et je l'aime encore plus maintenant. Il a un coeur à la bonne place, grand comme la Terre xxx
Comme c'est triste de partir si jeune...bon courage à ton fils, à sa famille. Que dire d'autre...xxx
Contente de la libération de ton fils et très triste qu'il ait perdu son meilleur ami dans ces circonstances. La vie n'est pas toujours facile. Bises réconfortantes.
Claude, merci beaucoup xxx
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